Espace-temps : à la ville comme à la campagne, tout est relatif !

Vidéo - PodcastPhotos - Édito

Aménager l’espace, c’est aussi aménager le temps, car ces dimensions de nos vies sont intriquées. Qu’il soit rural ou urbain, le tempo de nos vies est une inscription dans l’espace. 

Une île rurale, point d’orgue dans l’écume des jours

Des champs bordés par le golfe du Morbihan, c’est le paysage unique qu’offre l’île d’Arz. 234 habitants se partagent 3km² au rythme des marées et des saisons. Si l’été des milliers de touristes affluent quotidiennement, cela ne perturbe pas forcément le rythme de tout le monde.
Réalisation : Laura Rochette et Alicia Blancher

Aimer accélérer et aimer ralentir

L’exode rural, qui a pris fin au mitan des années 1970, a laissé place à un imaginaire très favorable à la campagne. Si l’exode urbain n’est pas d’actualité, des politiques temporelles urbaines permettent d’adoucir les rythmes de vie des citadins.

Listen to "Podcast - Ralentir - EP03" on Spreaker.

Avec Claire Desmares, paysanne, activiste pour une ruralité positive, Secrétaire nationale adjointe d'Europe Ecologie-Les Verts / Luc Gwiazdzinski, géographe, spécialiste des temporalités urbaines.

Réalisation : Alicia Blancher (Kaizen magazine)

Le charme syncopé de la vie mi-rurale mi-urbaine

Elle quitte sa maison au petit jour pour enchaîner les kilomètres jusqu’à la ville où elle travaille. Il reste dans leur maison isolée des Côtes-d’Armor. Deux rythmes parallèles qui trouvent leur équilibre. Certains appellent ça « migration pendulaire ». D’autres parlent d’harmonie. 

Crédits photos : ©Lise Gaudaire

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Le journalisme à l’épreuve du temps long
par Alicia Blancher, journaliste

Comment dégager de la lenteur dans un texte, un podcast ou une vidéo sans créer de l’ennui ? Comment palper la douceur d’un rythme de vie tout en courant à côté, micro ou caméra à la main ?
Lorsque j’ai commencé à travailler sur la série documentaire Ralentir, je ne percevais pas ces difficultés. Tout d’abord parce que j’avais le luxe « d’avoir du temps », environ deux mois pour chaque épisode. Mais cela ne fait pas tout, en particulier lorsque l’on suit des personnes qui tentent de ralentir.

Comment faire transpirer de la lenteur, sans que le spectateur ou la spectatrice ne la subisse, ne s’ennuie ?

Alicia Blancher, Kaizen 

La première déconvenue : le temps de mise en relation et de la rencontre. Ce fut flagrant pour le deuxième épisode consacré au numérique, pour lequel je recherchais des personnes déconnectées, ou du moins qui avaient un usage limité des outils numériques. En plus du bouche-à-oreille, je diffuse en général mes appels à témoignage par les réseaux sociaux de Kaizen. Pas le canal le plus adapté pour ce sujet, il est vrai. Si certains posts ont fini par porter leurs fruits, cela m’a valu quelques commentaires acerbes.
Le deuxième obstacle résidait dans le format vidéo. Plusieurs familles étaient favorables pour témoigner dans le cadre d’un article ou éventuellement du podcast. Mais pas question d’apparaître à l’image sur une plateforme en ligne ou sur les réseaux sociaux du projet. Cela fait sens.

Pour Paul Eeckman, le maraîcher de ce troisième épisode, la vidéo ne posait pas de problème. Mais il m’a donné du fil à retordre pour faire connaissance. Pas de téléphone, de mail ou d’adresse identifiables sur internet. C’est en contactant la mairie de l’île d’Arz que j’ai appris qu’il venait y récupérer son courrier une fois par semaine. J’ai donc laissé un message pour lui puis attendu patiemment plusieurs jours avant qu’il ne m’appelle.

Lors du tournage organisé quelques semaines plus tard, nous nous sommes imprégnés de la douceur de son rythme de vie. Peut-être un peu trop par moments. Un midi, le dernier jour de tournage, nous avons partagé des pizzas avec Paul, pour manger rapidement avant notre départ. C’était sans compter les dysfonctionnements de son petit four. 30 minutes. C’est le temps que cela a pris pour la cuisson. 30 minutes les yeux rivés sur l’horloge en espérant ne pas rater le bateau du retour. C’est paradoxal de hiérarchiser, de compter, de millimétrer son temps alors que nous explorons les possibilités de vivre plus lentement. Il est difficile de dépasser cette dissonance, et ce malgré les échanges informels, les pauses précieuses sans micro ni caméra que l’on s’accorde avec les personnes que l’on interroge. Car ce que l’on n’imagine pas, lorsque l’on visionne une vidéo de vingt minutes, c’est la quantité d’images, de sons, de paroles nécessaires à enregistrer.

Au-delà du tournage, c’est bien le montage qui s’accorde parfois difficilement avec le temps long. Comment faire transpirer de la lenteur sans que le spectateur ou la spectatrice ne la subisse, ne s’ennuie ? Comment créer des respirations sans traîner en longueur ? Car s’attarder sur le petit déjeuner des Tilly, les menuisiers de la vidéo du premier épisode, qui prennent leur temps pour se préparer une délicieuse omelette, a du sens ; mais le passage force le spectateur, peut-être habitué à la cadence des séries américaines, à ralentir lui-même. C’est un jeu d’équilibriste, qui, on l’espère, ne vous fera pas perdre le fil.